Chronique
Lâcher les chiens
La Presse
Toi qui parles italien et qui as beaucoup voyagé, dis-moi : dans quel autre pays peut-on entendre à la radio une entrevue avec le cardiologue du chanteur de l’hymne national ?
Ben nous, on a ça. Les nouvelles sont excellentes, puisque tu me le demandes. Le cardiologue de M
Reno est en pleine forme. Et nos joueurs préférés aussi. Ce Dale Weise, Ronald, c’est tout un rapport qualité/prix. À la maison, c’est celui que mes enfants appellent « Bourni » qui épate.***
Pernell Karl S., lui, joue avec la rage au cœur. Ce qu’il y a d’intéressant dans ce pathétique sursaut de racisme anonyme sur les médias sociaux de Boston, c’est qu’il montre au grand jour une réalité sournoise du hockey. Oui, oui, particulièrement du hockey, qui est le sport professionnel le plus « blanc » en Amérique du Nord.
Dans tous les autres sports majeurs, les Noirs sont rois et maîtres ou très, très nombreux dans l’élite. Le hockey ? Il est blanc comme le dos de Lars Eller. J’ai toujours pensé qu’un fond de racisme plus ou moins inconscient teintait les commentaires au sujet de Subban. Ça sourd ici et là dans les critiques excessives. Et même chez ceux qui le louangent. En as-tu assez comme moi d’entendre dire « P.K., c’est un pur sang ! » Dit-on ça des joueurs blancs au talent brut pas tout à fait poli ? Le racisme renvoie l’homme de l’autre race à une forme d’animalité, soit pour l’abaisser, soit pour le glorifier.
Ce n’était pas dit, bien sûr, ça ne se dit pas, ça ne se pense même pas, c’est de l’ordre du refoulé, de l’impensé. Mais sur les médias sociaux... Oh, camarade, les chiens sont lâchés...
Tu es un puriste, Ronald, un vrai connaisseur, et je sais que tu goûtes l’intelligence et la précision de Markov. Mais question spectacle, P.K. nous a tous sonnés mardi soir dans le salon. Émouvant.
***
Il fait un temps superbe sur Montréal tout d’un coup et on se met à y croire. Sois attentif au langage des animaux, Ronald, ils ressentent souvent les choses avant les humains. Observe bien tes perruches.
Les marmottes dans la montagne, qu’on trouve généralement névrosées et paranoïaques après six mois dans le noir, s’aplatissent avec assurance de tout leur gras sur des roches au soleil. Les oies blanches n’en finissent plus de passer tout droit avec le V de la victoire, tu as vu ? Un cheval de la police s’est enfui de son enclos. Mets-toi à leur place, si jamais il faut aller contrôler la foule, le jour où... Tu vois ?
Carey Price a perdu ses deux chiens pendant quelques heures et ça, c’est beaucoup plus mystérieux. Les labradors ne sont pas connus pour leur esprit d’indépendance et leur audace. Ça peut s’enfuir de son gardien, un labrador ? Sont-ils passés « par le haut » pendant qu’il était couché ?
Anecdote insignifiante ? C’est mal connaître l’attachement, Ronald. L’incident, la fuite, le retour, tout ça, je crois, l’a rendu encore plus fort mentalement.
Maintenant, tu sais ce qui va se passer ce soir, n’est-ce pas ? Tu les vois venir, ces Bruins ? Tu te rappelles qu’on ne les « haït » pas pour rien ?
Ce soir, Ronald, ils vont lâcher les chiens.